Livre d'or
Je dédie ce poème, non point aux mauvais peintres, que je brocarde ici gentiment, mais au contraire à ceux que j’estime, notamment parce qu’ils ont su ne pas emprunter la triste voie évoquée dans ma « Complainte ». Tel est le cas de Paul Héluc, dont l’exubérante et polychrome folie m’enchante.
Alexandre Bibent
LA COMPLAINTE DES YEUX
A vous tous
Peintres illustres
Oisifs égarés
Simples rustres
Pitié, pitié
O, par charité
Point de villages pittoresques
De charmants petits chemins
De robes trop longues
Trop pâles
Et si légères
Point de bouquets dans les mains
Au loin, au loin,
Les bras trop fins des jeunes femmes
A la chair tendre
Aux yeux de cendre
O, couleurs pastel
O, les enfants frais et roses
Etés trop chauds
Lumières saturées
Et vapeur d’eau
Les chevaux en errance
Les navires en partance
Dérivent sans fin
Loin du peintre
ils se donnent la main
Et point de coursiers foulant l’écume
De petits canaux aux barques ridicules
O, de grâce
Point d’Augustes
Point de Pierrots
Pardon Picasso
Et je sais, je sais, que vous me direz,
Que le talent, que le génie, le vrai,
Ne tient pas aux sujets,
Mais lorsqu’il y tient par trop,
O Dieu, O Seigneur,
Quelle pitié
Les arbres mélancoliques
Les moulins bucoliques
A la belle eau
Aux jolies pierres
Et vraiment c’en est trop
La rouille du vieux portail de fer
Les murs
Au tendre lierre
Ah le vert, le vert,
Et c’est affreux
Pitié, pitié
Pour les amants
Les capelines et les gants blancs
Un jour de fête et pas vraiment
O, les gens, les gens
Alexandre Bibent